Trois questions à Etienne Guyon, Prix Roberval Grand Public

Cet hiver, Etienne Guyon, chercheur à l’Ecole, a reçu le Prix Roberval Grand Public pour son livre "Matière et matériaux : de quoi est fait le monde ?" Ce Prix est issu d’un concours international francophone qui récompense les œuvres dédiées à l’explication de la technologie. Etienne Guyon revient sur son ouvrage, ses origines et l’influence positive de l’Ecole.

Etienne Guyon Crédits : ESPCI ParisTech

Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre livre Matière et matériaux ?

"Je crois que tout a commencé après une discussion avec Pierre Léna. Il était question de l’Enseignement intégré de science et technologie (EIST) au collège, projet qu’il a mis en place en prolongement de « La Main à la Pâte » et qui confie à un seul enseignant un programme associant les sciences physiques, les sciences de la nature et de la vie, et la technologie.
D’une certaine façon, ce livre est issu du travail conduit avec plusieurs collègues cités dans le livre, mais il ne s’agit toutefois pas d’un livre du maître. C’est avant tout un livre de culture, un ouvrage pour les curieux et les passionnés de science dans lequel la matière et les matériaux sont abordés principalement sous leurs aspects mécaniques et physico chimiques.

Je veux préciser que cet ouvrage existe parce que je travaille dans un laboratoire de l’ESPCI ParisTech. C’est l’état d’esprit de cette institution et du laboratoire de Physique et mécanique des milieux hétérogènes (PMMH) - à mon avis typique de l’Ecole - qui a favorisé ma réflexion et l’écriture du livre."

Pourquoi ce laboratoire est-il représentatif de l’ESPCI et en quoi vous a-t-il inspiré ?

"Tout d’abord en raison de sa vocation interdisciplinaire : il réunit des mécaniciens et des physico-chimistes. C’était déjà exceptionnel en France lors de sa fondation - à la fin des années 1970, et cela reste assez rare aujourd’hui encore. Traditionnellement, dans notre pays, beaucoup de mécaniciens se revendiquent plutôt des mathématiques appliquées. J’ai été le premier directeur de ce labo, encouragé par Pierre-Gilles de Gennes, alors directeur de l’Ecole. Nous nous entendions bien - j’avais été son premier thésard - et nous voulions surmonter la barrière dressée entre mécaniciens et physiciens afin de faciliter des échanges que nous jugions très fructueux.

Pour la démarche naturaliste ensuite. Démarche à laquelle De Gennes était très sensible. D’ailleurs, il était entré à l’Ecole Normale Supérieure en réussissant un concours qui n’existe plus aujourd’hui : le concours de Sciences naturelles. C’est la démarche des chercheurs de ce labo, et c’est la démarche que j’aime. Elle consiste à jeter un regard neuf sur toutes choses et à explorer les disciplines, les croiser, pour émettre des hypothèses.

Enfin ici, les chercheurs se sont toujours intéressés au public, ils se préoccupent d’organiser des expositions, ouvrent les portes du labo lors de la Fête de la science... En cela aussi, le PMMH est typique de l’esprit qui règne à l’ESPCI.
D’une certaine façon, mon livre Matière et matériaux est le fruit de tout cela."

Vous avez obtenu le Prix Roberval catégorie Grand Public. Que représente-t-il pour vous ?

"Le Prix Grand Public, c’est très important à mes yeux. J’y suis sensible en tant qu’ancien directeur du Palais de la Découverte, mais aussi parce que je souhaitais écrire pour un public large et jeune. C’est le public le plus exigeant, le moins complaisant, avec une immense capacité d’émerveillement. Ce livre me permet de partager un enthousiasme et une écoute. Je veux d’ailleurs rendre hommage à l’éditeur (Belin) qui a su magnifiquement illustrer et mettre en page nos textes, les miens et ceux de mes co-auteurs.

Au-delà de la mention « Grand Public », le Prix Roberval créé il y a 25 ans par l’Université de technologie de Compiègne est initialement dédié à la technologie. Et les matériaux sont justement le point de départ de la technologie. Ce prix est la reconnaissance de la démarche naturaliste dont nous parlions plus tôt et qui consiste à prendre un problème, et à rechercher l’unité qui va se dégager d’une comparaison entre deux matériaux très différents, comme la tige de rhubarbe et le béton précontraint par exemple.

"En somme, Matière et matériaux propose aux lecteurs une grande balade, depuis la matière brute jusqu’aux matériaux mis en forme. Il évoque les constructions de la nature autant qu’humaines, une façon d’appréhender le monde matériel.

Couverture du livre Matière et matériaux Crédits : Belin
Cela a vraiment été un plaisir d’écrire un tel ouvrage riche en images et références en tous genres. D’ailleurs, je n’écris plus d’articles scientifiques fondamentaux. Place aux jeunes ! Et mon rôle désormais, c’est d’accompagner et d’écouter ces jeunes scientifiques, parfois de les conseiller lorsqu’il s’agit d’ouvrir vers d’autres domaines, et ainsi de contribuer à étancher leur soif de sciences. Ils sont aussi magnifiques (sinon plus) que j’ai ceux que j’ai connus il y a trente ans quand j’ai créé ce laboratoire."

Quelques ouvrages d’Etienne Guyon à découvrir :

Matière et matériaux. De quoi est fait le monde ? (Belin, 2010)

Ce que disent les fluides (Belin, 2006)

Du sac de billes au tas de sable (O.Jacob, 1994)

Granites et fumées (O.Jacob, 1997) Prix Roberval enseignement supérieur.

En vidéo :

Physique des tas de sable et de la matière molle
Conférence du 11 août 2000 donnée dans le cadre de l’Université de tous les savoirs

A consulter sur Internet :

Le site de la Main à la Pâte

Les Scientifiques et l’école sur le site de l’Espace des Sciences Pierre-Gilles de Gennes

Le site de l’Enseignement interdisciplinaire science et technologie

Le site du Palais de la Découverte

Le site du laboratoire de Physique et mécanique des milieux hétérogènes

L’intervention d’Etienne Guyon aux Journées internationales d’éducation scientifique, par Marion Sabourdy

Le site de l’Université de technologie de Compiègne