Recherche protéomique en biologie : quelles questions peuvent être posées ?
Yann Verdier, Maître de Conférences. Crédits : ESPCI ParisTechCes dernières années, les technologies pour l’étude du protéome ont connu un développement permettant leur mise en œuvre dans un vaste champ d’applications. Par exemple, la possibilité d’étudier les protéines en interaction ou de caractériser des modifications post-traductionnelles de protéines d’intérêt ouvre des perspectives particulièrement attractives pour la compréhension, au niveau moléculaire, de nombreux mécanismes physiologiques ou pathologiques.
Une des stratégies les plus utilisées pour l’étude des complexes moléculaires consiste à purifier une protéine d’intérêt en même temps que ses partenaires, et à identifier ceux-ci par une approche bottom-up. Cette approche nécessite l’utilisation de systèmes (tels la nano-chromatographie) permettant de réduire la complexité des échantillons, ainsi que l’utilisation de spectromètres de masse à haute résolution, pour distinguer des espèces peptidiques de nature très proches. C’est cette approche que nous avons utilisée pour la recherche des partenaires du peptide amyloïde bêta fibrillaire, sur-exprimé dans la maladie d’Alzheimer, et des partenaires des acteurs déjà connus de la réponse anti-bactérienne (voie IMD) et antivirale (ARN interférent) chez la drosophile. Ces différentes expériences nous ont montré que les complexes peuvent être de taille très importante (plusieurs dizaines de protéines peuvent être identifiées). Si la capacité d’analyse des appareils permet d’identifier un tel nombre de protéines, les challenges restent très nombreux pour avoir la description la plus exhaustive de complexes de cette taille, et a fortiori pour permettre le suivi cinétique de leur évolution en réponse à une stimulation. Ces challenges incluent les aspects pré-analytiques, les techniques de quantification mais aussi les critères de validation des identifications et l’évaluation de la signification biologique des données.
La caractérisation des modifications post-traductionnelles se heurte à des défis tout aussi excitants. S’il est possible, par des mesures de masse exacte, de déterminer la nature et la position de différentes modifications, des stratégies spécifiques de purification doivent souvent être utilisées, comme des marquages spécifiques ou des dérivations chimiques, ainsi que le montrent les exemples de la caractérisation des formes cataboliques de Tau ou de la détermination du niveau d’oxydation des cystéines. Là encore, les aspects pré-analytiques et post-analytiques (signification biologique des résultats obtenus) sont primordiaux.
Les développements technologiques très impressionnants de ces dernières années permettent d’envisager l’utilisation de la protéomique pour répondre à de nombreuses questions biologiques.
Cependant, seule une formulation précise de ces questions permet la mise en place des stratégies pré-analytiques et post-analytiques indispensables pour répondre à ces questions.
Membres du jury :
Franck Boué,
Gérard Bolbach,
Luc Bué,
Andrew Griffith,
Solange Lavielle,
Virginie Redeker.