par Olivier Rey
Tocqueville a remarqué que, par-delà leurs divisions, les gens de lettres, écrivains et philosophes du XVIIIe étaient unanimes sur un point : « Tous pensent qu’il convient de substituer des règles simples et élémentaires, puisées dans la raison et la loi naturelle, aux coutumes compliquées et traditionnelles qui régissent la société de leur temps. En y regardant bien, l’on verra que ce qu’on pourrait appeler la philosophie politique du XVIIIe siècle consiste à proprement parler dans cette seule notion-là. » Tocqueville a également remarqué qu’une telle pensée – fonder un ordre politique sur la loi naturelle – n’était pas nouvelle, qu’elle avait traversé sans cesse l’imagination des hommes depuis le début de l’histoire, sans pouvoir s’y fixer. Pourquoi, cette fois-ci, s’y fixait-elle ? En cherchant à l’expliquer, notre penseur politique a omis un fait majeur : la nouvelle science.
La spécialisation disciplinaire qui s’est solidifiée à partir du XIXe siècle et, en particulier, la césure entre les sciences et les lettres marquent la façon dont s’écrit aujourd’hui l’histoire : d’un côté, des historiens des sciences peu à même d’inscrire le développement scientifique dans un mouvement général des idées ; de l’autre, des spécialistes d’histoire politique peu à même de saisir le rôle joué par la science moderne dans les réalités qu’ils étudient. Au XVIIIe siècle cependant, la séparation n’était pas consommée, et ce sont précisément les interactions entre science et idées politiques qu’il faut prendre en compte pour appréhender les mutations dont l’époque a été le théâtre. Ce n’est pas un hasard si les bouleversements politiques de l’âge moderne d’une part, le mouvement des planètes autour du soleil selon les lois de la gravitation universelle de Newton d’autre part, portent le même nom : la révolution.
Mathématicien, philosophe et romancier, Olivier Rey a notamment publié Itinéraire de l’égarement, Du rôle de la science dans l’absurdité contemporaine (Seuil, 2003).
Cette conférence fait partie du cycle "Science et conscience", organisée conjointement avec la Société des Amis de Julie Boch et la librairie Transboréal.
Attention, ces conférences sont payantes :
– 6€ pour le grand public ;
– 4€ pour les adhérents de la Société des amis de Julie Boch ;
– gratuit pour les étudiants de Paris Sciences et Lettres.
Le programme complet du cycle est disponible sur le site de Transboréal.