Du 24 février au 6 mars dernier, une équipe de l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles (ESPCI Paris – PSL) était en résidence au bassin d’essais de l’Ifremer de Plouzané. Avec l’équipe du laboratoire Comportement des structures en mer, ils ont testé une solution 2 en 1 étonnante qui pourrait permettre à la fois de concentrer l’énergie de la houle en amont de dispositifs de récupération de l’énergie des vagues ou de l’atténuer pour protéger des zones de travaux en mer.
© Ifremer – J. Danet De « simples » plaques fixées les unes aux autres sont posées sur l’eau. Ce radeau flottant créé par les chercheurs de l’ESPCI Paris et de l’Ifremer pourrait réaliser une… ou plutôt deux prouesses : atténuer les effets de la houle mais aussi concentrer son énergie dans un couloir précis et choisi.
De l’étude de la banquise à l’optimisation des énergies marines renouvelables
Comment se propagent les ondes de la houle sous la banquise ? « La question peut paraitre hors-sujet mais à l’origine, nous cherchions à étudier ces phénomènes physiques naturels pour valider des modèles de prédiction, confie Antonin Eddi, chercheur CNRS au laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes à l’ESPCI. Nous avons fait des expériences modèles dans un aquarium de notre laboratoire à Paris avec une sorte de membrane élastique en guise de banquise. C’est là que nous avons observé qu’elle pouvait, selon son matériau et sa forme, rediriger l’énergie de la houle ou au contraire la concentrer ». L’équipe a vite songé à toutes les applications que ces propriétés pouvaient offrir ! Contrôler grâce à ces plaques la direction de propagation de la houle pourrait permettre non seulement de protéger les zones de travaux en mer, comme par exemple lors des phases d’installation de dispositifs d’énergie marines renouvelables (EMR), mais aussi de concentrer l’énergie des vagues pour optimiser son exploitation par des systèmes de récupération de l’énergie des vagues. Un brevet a été déposé et la SATT Lutech (Paris) est chargée de la montée en puissance et de la valorisation du projet. Ils financent pour cela une partie des essais et le post-doctorat de Vincent Cognet arrivé à l’Ifremer en mars 2019 pour travailler sur ce projet en partenariat avec l’ESPCI.
© Ifremer – S. Lesbats : L’équipe du projet Elastonics. De gauche à droite : Alan Tassin (Ifremer), Antonin Eddi (CNRS-ESPCI), Aurélien Tanray (Ifremer), Julien Caverne (Ifremer), Vincent Cognet (Ifremer-ESPCI) et Federigo Ceraudo (ESPCI).
Des essais prometteurs
Dans le bassin de l’Ifremer, les plaques en test sont amarrées au portique du bassin d’essais et soumises à des houles d’intensités modérées et calibrées. A terme, elles seront ancrées au fond de la mer comme les éoliennes flottantes et devront encaisser l’énergie de vagues parfois puissantes. Huit caméras filment la déformation que les plaques subissent dans toutes les dimensions. « Nous en sommes au début du projet, explique Alan Tassin, chercheur au laboratoire Comportement des structures en mer à l’Ifremer. Nous nous intéressons ici à voir comment nos plaques réagissent à cette échelle. Quel est leur degré de déformation en fonction de la houle ? La vitesse de propagation des ondes est-elle bien accélérée comme on l’attend » ?
Ces essais à l’échelle du bassin de l’Ifremer se sont avérés cohérents avec les modèles numériques mis au point depuis le début du projet. C’est un bon début ! Une autre série d’essais visera à montrer que l’on peut contrôler et focaliser la direction des vagues en ajoutant une lentille en surépaisseur sur les plaques.