Les Marchands de Doute
Depuis les années 1960, des industriels et certains scientifiques américains se sont organisés pour introduire un doute systématique à propos de résultats scientifiques pourtant bien établis, dès lors que les conclusions pouvaient déboucher sur une régulation étatique : le tabac et le cancer du poumon, la « Guerre des étoiles » et l’hiver nucléaire, le trou d’ozone et les émissions de CFC, les pluies acides et les émanations des centrales thermiques, l’utilisation de l’insecticide DDT, et plus récemment le changement climatique. Aux États-Unis, une étrange alliance a associé les industriels concernés et les courants les plus réactionnaires de l’establishment académique, qui ont vu dans les « environnementalistes » des ennemis du libéralisme du laisser-faire.
Aujourd’hui, aux États-Unis comme en France, la réflexion sur nos modes de production et de consommation, de nos choix énergétiques et des fondations sur lesquelles reposent nos économies conduit certains à remettre en cause la science du climat elle-même, une « vérité qui dérange ».
La traduction (que j’ai faite) du livre de Naomi Oreskès et Erik Conway, Merchants of doubt, sera l’occasion de passer en revue cette entreprise concertée et systématique de production du doute, et d’aborder la question de la place de la connaissance dans le débat public.