De la médecine à la biomédecine
Oratrice :
Anne-Laure Boch (Hôpitaux de Paris)
Anne-Laure Boch a soutenu, outre sa thèse de médecine, une thèse de philosophie éthique qui, en écho au mythe de Frankenstein, décortique le prométhéisme à l’œuvre dans la médecine contemporaine.
Assignée à une obligation de résultat, la médecine contemporaine a vu son champ disciplinaire investi par la technicisation croissante de ses pratiques, inféodée en cela à une mathématisation du vivant, la « biomédecine » que suppose une science infaillible dans son diagnostic ou sa thérapeutique. La rupture épistémologique survenue au début de l’ère moderne a sans aucun doute précipité la conversion de l’art médical traditionnel, aux modalités d’exercice souvent empiriques, en un systématisme clinique asséchant, pour lequel le corps et la pathologie doivent s’appréhender en tant qu’entités duales, strictement découplées. La disjonction établie entre le patient et l’affection allogène, qu’une certaine ferveur positiviste imagine implacablement terrassée par les progrès constants réalisés dans l’investigation et traitement de la maladie, définit le paradigme du nouveau régime (et discours) médical de la contemporanéité. Le sujet devient alors corps désincarné, support d’une pratique et d’une expertise techniciennes, au langage devenu inaudible et aboli dans l’abstraction clinique. Si la médecine a répondu si pleinement à l’appel de la technique et de la science, c’est certainement parce que celui-ci entrait en résonance avec une disposition profonde, une inclination, on pourrait presque dire une prédestination. La médecine occidentale semblait prédestinée à devenir, pour le meilleur et peut-être pour le pire, une médecine scientifique, une médecine technique, une médecine technoscientifique.
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