L’effet Leidenfrost est un de ces phénomènes physiques que l’on peut observer directement chez soi : une plaque de cuisson chaude et des gouttes d’eau froide qui tombent et roulent dessus sans s’évaporer. Au-delà de son aspect ludique, cet effet est aussi responsable de problèmes notables, spécialement quand une surface doit être fortement refroidie. Des chercheurs français et chinois incluant le laboratoire PMMH ont mis au point un revêtement texturé qui permet d’éviter cet effet jusqu’à 1100 °C au moins. Leurs travaux viennent d’être publiés dans le journal Nature.
La texturation du matériau, avec les micropiliers, le maillage isolant ainsi que les canaux permettant d'évacuer l'eau lui permet de repousser les limites de l'effet Leidenfrost. Crédits : Mengnan Jiang, David Quéré et Zuankai Wang
Que ce soit pour refroidir rapidement des pièces métalliques très chaudes ou éviter une augmentation de température incontrôlée (par exemple dans des centrales nucléaires), l’effet Leidenfrost ou caléfaction s’avère un redoutable ennemi. En pratique, lorsqu’on utilise de l’eau en gouttelettes pour refroidir une surface très chaude, une partie de l’eau va se vaporiser et créer une sorte de barrière thermique isolante, qui empêche les échanges thermiques entre l’eau et la surface chaude. Résultat : celle-ci, au lieu de refroidir, voit sa température augmenter de manière incontrôlée.
Depuis plusieurs années, les chercheurs imaginent des solutions, souvent liées à une texturation de surface, pour repousser au maximum ce phénomène. Au sein du laboratoire PMMH, David Quéré a travaillé sur différentes variantes de l’effet Leidenfrost, tout comme sur la texturation pour modifier les propriétés d’un matériau, par exemple pour le rendre super-hydrophobe. Avec des collègues chinois de l’Université de Hong Kong, le scientifique a mis au point une surface texturée flexible composée d’une forêt de piliers et d’un maillage isolant sous lequel des canaux vont permettre d’évacuer la vapeur créée.
La caléfaction, qui se déclenche vers 200°C, avait été repoussée jusqu’à 500°C par des effets de texture. Mais ici, les chercheurs sont parvenus à élever cette température au-delà de 1100°C. Le point clé réside dans la combinaison des structures : d’un côté, la maille isolante boit les gouttelettes, et maintient le contact entre le solide et le liquide ; d’un autre, alors que l’évaporation est massive à haute température, les canaux sous-jacents évacuent la vapeur sans qu’elle soulève le liquide.
Ce nouveau pas franchi dans le refroidissement aérosol va permettre aux chercheurs de perfectionner leur surface, par exemple en optimisant la taille des pores du matériau utilisé pour le maillage. Par ailleurs, comme l’ensemble est flexible, il peut être utilisé sur des surfaces très variées, y compris tuyaux et autres échangeurs thermiques.
Référence : Jiang, M., Wang, Y., Liu, F. et al. Inhibiting the Leidenfrost effect above 1,000 °C for sustained thermal cooling. Nature 601, 568–572 (2022). https://doi.org/10.1038/s41586-021-04307-3
A lire également, le News and Views de James C. Bird : https://www.nature.com/articles/d41586-022-00123-5
contact : David Quéré david.quere@espci.psl.eu